Aller au contenu principal

Vote obligatoire pour les 16/17 ans aux élections européennes : une bonne et une mauvaise nouvelle pour les droits de l'enfant

Si le Délégué général peut se réjouir aujourd'hui d'une avancée fondamentale dans la participation des enfants au niveau politique dans notre pays, il s'étonne de cette prise de décision tardive et du manque potentiel de préparation pourtant essentielle à cette nouvelle donne électorale en Belgique, en Communauté française.

La défense des droits des enfants est un exercice paradoxal qui nous oblige à toujours prendre en compte l'article 3 de la Convention internationale des Nations Unies (CIDE) qui les garantit et stipule, dans son premier alinéa, que "Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale".

Paradoxal car, parfois, nous sommes confrontés à des réalités qui mettent les droits des mineurs d'âge en concurrence. Ainsi, la décision prise ce jeudi par la Cour constitutionnelle d'obliger les jeunes de 16 et 17 ans à voter aux élections européennes du 9 juin prochain est, du point de vue des droits de l'enfant, à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle.

C'est une excellente nouvelle en termes de participation des enfants, l'article 12 de la Convention, qui nous oblige en tant qu'adultes à associer les mineurs d'âge à tous les processus de prise de décisions qu'elles soient politiques ou autres. La Convention garantit la liberté d'expression, d'opinion et d'association et le processus démocratique d'élection de ses représentant.e.s au parlement est un des moments rares où les citoyennes et citoyens peuvent faire entendre leur voix. Que les jeunes y soient associés semble naturel et évident alors que le sujet reste très controversé et, souvent, l'objet de certains "marchandages" politiques dont, notamment, la demande de l'abaissement de la responsabilité pénale des mineurs à leur âge de voter, ce qui est, faut-il le rappeler, à l'encontre de l'esprit et la lettre de la CIDE.

C'est aussi une mauvaise nouvelle au vu des délais extrêmement courts pour organiser cette innovation souhaitable dans le processus électoral de notre pays. Deux mois seulement pour faire le travail indispensable de préparation, d'information, de sensibilisation, d'éducation (autant de droits consacrés par la CIDE) des 16 et 17 ans à cette étape essentielle de l'engagement citoyen.

Sans condamner l'initiative qui aura permis de trancher sur l'importance de considérer les jeunes concernés comme des sujets de droit comme les autres, on ne peut que déplorer le moment de la décision et s'inquiéter du manque de préparation à ce changement historique dans l'organisation des scrutins de notre pays. C'est que d'obliger les enfants de 16 et 17 ans à voter implique forcément de rendre le discours de la campagne lisible, accessible et child friendly, c'est-à-dire adapté à ces nouveaux électeurs et à leurs spécificités. A moins de considérer le vote aux élections européennes comme un "gadget" sans importance, il nous revient de donner à cette nouvelle époque qui va accueillir plusieurs dizaines de milliers de nouveaux votants et votantes les moyens nécessaires à servir la démocratie tout en répondant à nos obligations vis-à-vis des enfants.

Par ailleurs, le Délégué général déplore la dérive d’envisager le vote obligatoire des jeunes âgés de 16 à 17 ans uniquement sous le prisme de la sanction pour les potentiels non-votants. Plutôt que de pénaliser, il serait opportun d’intensifier les campagnes de sensibilisation à leur égard, tant en milieu scolaire que dans le débat public.

Si le Délégué général peut se réjouir aujourd'hui d'une avancée fondamentale dans la participation des enfants au niveau politique dans notre pays, il s'étonne de cette prise de décision tardive et du manque potentiel de préparation pourtant essentielle à cette nouvelle donne électorale en Belgique, en Communauté française.  De plus, dans un souci de cohérence, il aurait fallu étendre cette obligation de vote à tous les niveaux de pouvoirs et ne pas la limiter uniquement à l’échelon européen. Notre institution mettra en oeuvre tous les moyens qui sont en sa possession pour mobiliser les pouvoirs publics afin qu'ils prennent conscience des enjeux et de l'urgence mais aussi qu'ils déploient les ressources nécessaires à répondre à cette nouvelle réalité qui doit nous mobiliser toutes et tous dans le sens des valeurs fondamentales de la démocratie.

Solayman Laqdim

Délégué général aux droits de l'enfant

Toi aussi, tu veux partager une histoire sur ce sujet ?

Articles similaires

senate.be
Nouvel avis

Accord de coalition fédérale 2025-2029 : Le Délégué général passe au crible les mesures phares dans un nouvel avis

Deux mois après la publication de l’accord de coalition fédérale, le Délégué général aux droits de l’enfant souhaite attirer l’attention sur plusieurs mesures annoncées qui interrogent directement le respect de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE).

Actu

C'est la Semaine de la démocratie dans les écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles !

Du 31 mars au 4 avril, les écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles vivent à l’heure de la démocratie. Une semaine pour outiller les élèves face à la désinformation, renforcer leur esprit critique et faire entendre leur voix.

Epic Agency
Communiqué de presse

Deux vidéos d’animation inédites pour présenter le Délégué général aux droits de l'enfant et la CIDE !

Pour sensibiliser petits et grands aux droits de l'enfant, le Délégué général a réalisé deux vidéos animées et accessibles. Le but ? Expliquer de manière claire et engageante les droits de l’enfant et le rôle essentiel du Délégué général pour les défendre en Belgique francophone.

Actu

Diversité linguistique et droit à l’éducation : une journée d’étude inspirante à l’ULB

Le 14 mars, la salle Dupréel de l’ULB a accueilli une journée d’étude sur la diversité linguistique et le droit à l’éducation. Près de 170 participants de divers horizons se sont réunis pour échanger et débattre. Cet événement ouvre de nouvelles perspectives pour garantir un accès équitable à l’éducation pour tous les enfants.

Actu

400 enfants chantent leurs droits : revivez "Ma Voix, Mes Droits" édition 2024 en vidéo !

Le Délégué général a pris part à l'événement "Ma Voix, Mes Droits", organisé par les Jeunesses Musicales. Un moment fort en émotions où 400 enfants se sont rassemblés au Delta de Namur pour chanter leurs droits avec passion et conviction. Plongez dans l'ambiance de cette journée inoubliable à travers nos images !

Sortie presse

Carte blanche : Une solidarité qui s’étiole au détriment des droits de l’enfant

Face à des politiques réduisant les aides sociales et accentuant la précarité, les droits fondamentaux des enfants – accès au logement, à l’éducation et à la santé, notamment mentale – sont gravement menacés. La gestion des situations migratoires, en particulier pour les mineurs non accompagnés, renforce une dynamique d’exclusion. Il est urgent d’investir dans des politiques publiques ambitieuses et inclusives pour permettre à chaque enfant de s’épanouir pleinement et de construire un avenir meilleur.

Communiqué de presse

Le Délégué général aux droits de l’enfant dévoile son nouveau site web : un outil incontournable pour la défense des droits de l’enfant

Le Délégué général aux droits de l’enfant (DGDE) franchit une nouvelle étape dans sa transformation digitale avec le lancement de son nouveau site internet, désormais accessible via www.defenseurdesenfants.be. Plus ergonomique, plus intuitif et adapté à différents publics, ce site marque un tournant majeur dans la communication de l’institution.

Actu

Présentation du rapport annuel du Délégué général au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (vidéo)

Le Délégué général aux droits de l'enfant a présenté son rapport annuel "Tous incasables ?" devant les députés et ministres de la FWB, dressant un état des lieux des droits de l'enfant en Belgique francophone.

Canva
Actu

Suivez en direct la présentation de notre rapport annuel au Parlement sur YouTube !

La présentation sera retransmise en direct sur la chaîne YouTube du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles à 10 heures ce mercredi 19 février.

Parlement FWB
Communiqué de presse

Save the date : Présentation du rapport annuel du Délégué général le 19/02 au Parlement de la FW-B

Le 19 février 2025, de 10h à 12h au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le Délégué général aux droits de l’enfant présentera son rapport annuel 2023-2024, qui dresse l’état des lieux des droits de l’enfant en Belgique francophone et suscitera un débat avec les parlementaires.

Vous n’avez pas trouvé de réponse à votre question ?

Il vous manque encore une information ? Entrez votre question ou le sujet de votre recherche ci-dessous.