À la suite des incidents survenus ce week-end à l’Institution publique de protection de la jeunesse (IPPJ) de Saint-Hubert, au cours desquels des surveillants, des éducateurs et des jeunes ont été blessés, le Délégué général aux droits de l’enfant, Solayman Laqdim, tient d’abord à exprimer son soutien à l’ensemble des personnes touchées par ces événements. Les violences à l’égard du personnel sont inacceptables. Elles ne peuvent toutefois être comprises qu’en lien avec un climat de tension et de dysfonctionnements structurels dénoncés depuis de nombreux mois par notre institution.
Des alertes répétées et concordantes
Le Délégué général a fait part, à plusieurs reprises, de vives inquiétudes quant à la prise en charge des mineurs en conflit avec la loi au sein de l’IPPJ de Saint-Hubert. Des signaux concordants – provenant des jeunes eux-mêmes, de leurs familles, de professionnels de terrain, de la Commission de recours (CdR) et de la Commission de surveillance (CdS) – décrivent une dégradation profonde de l’accompagnement psycho-éducatif et l’installation d’un véritable climat de violence institutionnelle.
Des pratiques contraires au cadre légal
Plusieurs décisions de la Commission de recours ont déjà constaté le caractère illégal de certaines restrictions de liberté : mesures d’isolement non motivées, prolongées au-delà des délais légaux, ou encore enfermement prolongé en chambre sous couvert de "prise en charge pédagogique individuelle". Ces pratiques portent atteinte aux droits les plus élémentaires des jeunes privés de liberté et mettent à mal le modèle protectionnel qui fonde l’existence même des IPPJ.
Des dysfonctionnements multiples
Les dysfonctionnements relevés sont multiples : violences physiques à l’égard des jeunes, violences psychologiques, enfermements anormalement longs, mises à l’isolement illégales, absence ou raréfaction d’activités éducatives, problèmes de management, fortes tensions au sein des équipes et grèves à répétition. À plusieurs reprises, des jeunes ont rapporté être restés plusieurs jours en chambre, parfois en raison d’absences massives de personnel, ce que des professionnels ont corroboré. Ce "service adapté", vécu comme une mise à l’écart supplémentaire, génère une souffrance intense.
Les jeunes sont privés de liberté parce qu’ils ont commis des faits qualifiés infraction. Mais, une fois en IPPJ, ils se retrouvent confrontés à un cadre instable, parfois maltraitant, qui accroît les tensions. Ces conditions favorisent un cercle vicieux : la souffrance et la colère de certains jeunes s’expriment par des comportements violents, lesquels entraînent à leur tour un durcissement des réactions, des sanctions plus sévères et un recours accru à l’enfermement.
Agir sans délai pour rétablir un cadre éducatif stable
Défendre les droits des jeunes et dénoncer les violences institutionnelles ne revient pas à opposer les jeunes aux professionnels, mais bien à demander que chacun – enfants et adultes – soit protégé par un cadre clair, stable et respectueux. Face à cette situation, le Délégué général appelle à analyser en profondeur les causes de ces dysfonctionnements et à agir sans délai pour y mettre fin. Il est indispensable de rétablir un cadre éducatif stable pour les jeunes, qui protège leurs droits fondamentaux tout en assurant la sécurité de tous au sein de l’institution.
Un plan d’actions attendu depuis des mois
Cela fait plusieurs mois que le Délégué général insiste pour la mise en place d’un plan d’actions pour l’IPPJ de Saint-Hubert. Aujourd’hui, le Délégué général prend acte de l’annonce de ce plan d’actions par l’Administration générale de l’Aide à la jeunesse, en insistant pour que ce plan soit mis en œuvre de toute urgence, afin de faire respecter les droits les plus élémentaires. Le Délégué général réitère également sa recommandation d’organiser un service minimum en cas de grève et d’envisager une mutualisation des ressources humaines entre l’IPPJ de Saint-Hubert et le Centre communautaire pour mineurs dessaisis (CCMD), afin de ne plus faire peser les conflits sociaux sur les droits des jeunes.
Rétablir l’exemplarité du modèle protectionnel
Enfin, le Délégué général demande que le rôle des éducateurs soit renforcé et que les travailleurs dont les pratiques sont incompatibles avec le cadre légal et la philosophie du modèle protectionnel soient écartés de manière définitive. Les institutions publiques de protection de la jeunesse ne peuvent en aucun cas devenir des lieux de violence et d’enfermement prolongé ; elles doivent rester des lieux où l’on accompagne les jeunes vers la réparation, la responsabilisation et la réinsertion.
Un nouvel avis de la Commission de surveillance
Un deuxième avis officiel de la Commission de surveillance des lieux de privation de liberté des jeunes relatif à la situation de l’IPPJ de Saint-Hubert a été rédigé. Il est consultable sur le site du Délégué général aux droits de l’enfant. Sur cette base, le Délégué général restera particulièrement vigilant quant à la mise en œuvre des mesures annoncées et à la protection effective des droits des jeunes privés de liberté à Saint-Hubert.
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